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Nous, les Baiga Adivasis autochtones d’Inde centrale, avons vécu aux côtés de la forêt, en permettant à sa diversité biologique de se régénérer. L’accès à notre utilisation coutumière durable de la forêt riche en diversité biologique comme source de vie est toutefois menacé par l’exploitation forestière et minière, l’écotourisme et d’autres objectifs commerciaux qui s’emparent de nos jungles.

Nous sommes considérés comme une Tribu particulièrement vulnérable parmi les plus de 100 millions de personnes autochtones tribales que compte l’Inde. Parmi les communautés adivasi vulnérables, le pourcentage d’enfants sous-alimentés souffrant d’un retard de croissance et d’émaciation est parmi les plus élevés du monde, puisque l’on nous éloigne de nos sources durables et riches en diversité biologique de produits pour l’alimentation, la santé, des abris et des moyens de subsistance.

Afin de préserver nos sources de vie riches en diversité biologique, nos communautés bohil et sarhapathra baiga à Pandariya, dans le district de Kabirdham dans l’État de Chhattisgarh, ont élaboré des protocoles communautaires bioculturels (indiqués ci-dessous) concernant notre utilisation coutumière durable et la conservation de la diversité biologique, nos régimes fonciers coutumiers et nos occupations traditionnelles.

Notre village est situé sur un terrain montagneux. Notre source principale de subsistance est basée sur la cueillette dans la forêt et Bewar, notre système de culture itinérante ancien. De la jungle, nous rapportons de nombreux types de feuilles de 42 espèces comestibles, également certains pétales de fleurs. Nous trouvons d’autres feuilles sur des terres marécageuses. Nous avons également une technique pour les préserver. De nombreuses feuilles ont une haute valeur nutritionnelle et également certaines propriétés médicinales.

Femmes baiga ramassant des feuilles. Photo : ephotocorp.
Auteure/Auteur
  • Adiwasi Samta Manch
Écosystèmes
  • Forêts tropicales
Thèmes
  • Alimentation
  • Savoirs, culture et spiritualité
Type
  • Forme courte
Date
  • Cette étude de cas fait partie de LBO-2, publié à l’origine en 2020.
Amla fruit. Photo : Moushumi Basu

Nous connaissons 93 plantes médicinales que nous trouvons dans la jungle pour guérir ou prévenir différents problèmes de santé de l’estomac, de la respiration, de la digestion, du paludisme, de la fièvre, des contractions veineuses, des douleurs liées à l’accouchement, des douleurs aux articulations, des morsures de serpent, des fractures osseuses et des maladies des animaux domestiques. Mais de nombreuses plantes médicinales ont désormais disparu. Nous sommes maintenant en train de faire renaître et restaurer certaines d’entre elles. La jungle est notre centre de médecine naturelle. Certains emploient le terme « Baiga» également comme terme générique pour les guérisseurs autochtones.

La récolte de produits forestiers non ligneux dans la forêt constitue le fondement de nos moyens d’existence. Notre jungle nous donne plusieurs fruits de 35 espèces identifiées et 17 espèces de champignons. Notre terre sous la forêt nous fournit différents types de racines tubéreuses de 28 espèces comestibles, principalement sauvages. Toutes les cordes, ustensiles verts, balais et colliers sont fabriqués à partir de feuilles. La terre, le bois, l’herbe et le bambou que nous collectons pour construire les maisons, les clôtures et les toits en paille. Nous utilisons la terre également pour nettoyer les murs, le bois pour les outils, et le bambou pour les paniers et les objets artisanaux. Quatorze espèces de bois de la jungle sont mieux protégées lorsqu’elles sont entre nos mains.

Un cultivateur à Bohil. Photo : Ossi Kakko

Sur nos terres et dans nos forêts, nous pratiquons le Bewar, ou cultures itinérantes, qui rend notre planète plus riche en diversité biologique. Le Bewarproduit 33 cultures céréalières, des variétés de millets, lentilles, graines oléagineuses, racines et autres légumes savoureux et nutritifs. Le Bewarreconnaît que la terre est un être vivant et pas un être inanimé, il garantit la conservation de sa fertilité. Autrefois, nous utilisions uniquement le Bewar, la cueillette des produits de la forêt et la chasse. L’ensemble du village était entouré de forêts denses et profondes lorsque nous étions les seuls à les gérer. Désormais à cause de restrictions imposées par le gouvernement, qui a coupé et déplacé des forêts riches en diversité biologique, le Bewara été supprimé et seule la chasse de quelques oiseaux et la pêche de certains poissons sont autorisées.

Nous ne pouvons pas vivre sans la jungle, donc autrefois nous avions l’habitude de nous rendre à certains endroits avec des forêts denses et souvent ces lieux étaient en pente et montagneux, donc pour survivre nous utilisions le Bewar. Nous avons appris de nos ancêtres que, comme nous, la terre a besoin de se reposer. En laissant la terre en jachère pendant au moins trois ans de suite, le Bewarla laisse se reposer. Alors que la zone cultivée nous fournit des millets, des lentilles, des feuilles, des racines tubéreuses et des légumes pour survivre, en jachère différentes variétés de racines sauvages poussent, de jeunes arbres offrant des produits forestiers non-ligneux, et également un millet sikiapousse spontanément en jachère.

Mahua. Photo : Ossi Kakko

Étant donné que nos droits de conserver nos variétés de plantes alimentaires basées sur le Bewaret riches en diversité biologique sont menacés, il est important plus que jamais de rétablir notre Bewar. Autrefois, nous tirions suffisamment de produits du Bewaret nous achetions uniquement du sel et des vêtements. Aujourd’hui, nous devons acheter d’autres produits qui ne sont ni savoureux ni nutritifs. Ce que nous obtenons sur le marché ce sont des produits qui ne sont pas naturels qui nous exposent aux maladies. Le Bewarest beaucoup mieux et nous ne tombons pas malade après avoir mangé. Même si nous n’avons pas d’argent, nous sommes heureux et largement satisfaits. En échangeant ce que les Baigastirent de la forêt, ils obtiennent de nombreux produits du marché sans argent, et une bonne partie du travail que nous réalisons est effectué collectivement, comme la fabrication de cabanes ou maisons ou toits, sans salaires en espèces.

Notre existence est inextricablement liée à la jungle, depuis la nuit des temps. Nous ne pouvons pas imaginer une vie sans la jungle et nous en tirons notre identité. Nous avons une relation vivante avec ses arbres et ses plantes au-dessus et au-dessous de la surface de la Terre, les animaux, les insectes, les oiseaux, avec les montagnes, les rivières, l’air, les terres et tout ce qui est aussi vivant que nous. Les plantes épineuses et les plantes grimpantes de notre jungle et des arbustes que nous n’utilisons pas directement ont aussi leur identité et le droit d’exister comme nous. Leur présence sur la Terre est aussi importante que nous. Certains animaux nous donnent aussi le signal d’un futur immédiat.

Culture itinérante. Photo : Moushumi Basu

Afin de sauvegarder la diversité de la vie sur Terre, nous déterrons les racines et les plantes médicinales et prélevons les graines et les fruits uniquement à maturité, et en laissons une partie afin qu’elles puissent repousser. Nous protégeons la jungle contre les incendies de forêt et la « mafia » de la forêt, et veillons à ne prendre que ce qui permet de répondre à nos besoins de subsistance, en en laissant suffisamment pour les oiseaux et d’autres êtres vivants.

De notre naissance à notre mort (et dans la vie après la mort également), notre terre, la jungle, avec sa diversité biologique, joue un rôle omniprésent et définit notre identité et notre existence. Nous ne nous considérons jamais comme les propriétaires des forêts, mais nous pensons que notre identité et notre existence sont liées à la forêt.

À Bohil et Sarhapathra, nous sommes des « Bhumiyas », des personnes qui appartiennent à la Terre, des gardiens de la vie sur la Terre. La forêt est notre maison dans laquelle nous vivons, travaillons et passons le plus clair de notre temps. Nous ne pouvons pas vivre sans la jungle, mais nous avons un lien étroit à la jungle avec ses diversités biologiques, de notre naissance à notre mort. Avant qu’une femme ne donne naissance, des racines de Maibelllui sont données à mâcher, pour développer l’immunité et gérer la douleur Après la naissance, on lui donne des produits du Bewarpendant cinq jours.

Nous avons vécu en régénérant la diversité de la vie sur Terre sans la déplacer. Notre utilisation coutumière durable et la conservation de la diversité de la vie sont préservés par notre régime coutumier et nos occupations traditionnelles. Mais nous craignons que des personnes venues de l’extérieur ne viennent et prennent nos ressources naturelles, et aillent même jusqu’à nous expulser

Puisque certains n’aiment pas notre Bewar, nous devons d’abord cesser de craindre de réaliser le Bewar. Le gouvernement devrait reconnaître notre Bewaret le garantir, puisqu’il est bon pour la conservation de la diversité biologique des cultures et des plantes sauvages, et permet également à de jeunes pousses d’âges différents de pousser côte à côte pendant la jachère, lorsqu’on permet une itinérance et une rotation. Il promeut des cultures riches en diversité biologique, exemptes d’engrais chimiques et de pesticides qui provoquent plusieurs types de maladies et des aliments insipides.

Désormais il nous reste très peu de terre, et peu de place pour effectuer une rotation, nous pouvons laisser la terre en jachère sur une seule parcelle et y revenir tous les 3 à 4 ans. Autrefois nous passions d’un village à un autre, mais désormais ce n’est plus possible. Sans terre adéquate pour le Bewar, nous devons compléter notre production alimentaire par des champs labourés et des cultures moins riches en diversité biologique.

Le gouvernement devrait nous aider à rendre notre forêt plus riche en diversité biologique et en produits forestiers non-ligneux, conformément à nos plans de gestion des forêts. Il devrait reconnaître nos pratiques traditionnelles de subsistance, nos compétences et nos savoirs traditionnels comme notre propriété collective, et respecter notre Protocole bioculturel communautaire conformément à ses engagements internationaux.

« Ce dont les personnes ont besoin pour vivre en harmonie avec la Terre et pour sauvegarder la diversité de sa vie, ce sont des droits de vivre en régénérant. »1

Cette présentation de la contribution des communautés baiga à l’utilisation durable et à la conservation de la diversité biologique aborde en particulier les questions relatives à l’objectif 18 d’Aichi sur la façon dont l’utilisation coutumière durable et la conservation de la diversité biologique peuvent être promues par des régimes fonciers coutumiers et des occupations traditionnelles comme la cueillette, les cultures itinérantes et l’artisanat. Mais elle aborde également la contribution des Baigas sur la base de leurs expériences de vie pour protéger, régir et gérer leurs terres et forêts, conformément aux objectifs 1, 5, 7, 8, 11–16 d’Aichi et aux ODD 1, 2, 3, 5, 10, 11, 12 et 15.

References

  1. Voir les protocoles communautaires bioculturels bohil et sarhapathra : Adivasi, (n.d.) « Biocultural documents ». Disponible sur : http://adivasi-info.net/Biocultural_Documents.html